Le train fou de la santé page
1 2 3
3ème partie: Les solutions
Des solutions?
-Pas de gratuité des soins
mais un ticket modérateur (part non remboursée) adapté
aux moyens de chacun.
-Régime spécial pour les soins
coûteux.
Comme le ticket modérateur peut devenir lourd dans des soins
prolongés, les traitements et examens coûteux peuvent
être (presque) entièrement pris en charge, mais le
médecin doit les justifier. Actuellement on peut encore prescrire
un scanner sans rien expliquer du contexte, et encore moins le justifier
par rapport aux références médicales.
-Pas de mise en longue maladie sur dossier.
Le médecin-conseil doit juger personnellement de l'état
de santé du demandeur, et si la gravité n'est pas
conforme aux critères de longue maladie il doit réexaminer
le patient en présence du médecin traitant, dont la
crédibilité est ainsi mise dans la balance. Il ne
doit pas y avoir d'incitation financière pour le médecin
à demander ces prises en charges. Il y a déjà
une compensation suffisante par le fait de gagner un client régulier.
-Cotation des actes médicaux en fonction
des maladies.
Un renouvellement d'ordonnance avec prise de tension ne doit pas
être payé de la même façon que le bilan
d'un patient lombalgique depuis 10 ans et pourvu d'un lourd dossier
d'examens complémentaires. Cette cotation est en train d'être
mise en place en France. Malheureusement elle fait la part belle
à la technique et n'apporte aucune prime à la qualité
du travail effectué.
|
|
-Evaluation des médecins.
Des professionnels compétents ne devraient pas y être réticents.
Et pourtant la médecine libérale freine des quatre fers
face à l'évaluation. Certaines raisons sont valables. Les
critères d'évaluation seront-ils purement scientifiques
et colleront-ils aux bonnes pratiques médicales définies
par les experts? Ou feront-ils intervenir la satisfaction des patients,
la qualité de la prise en charge humaine? Les élus risquent
de ne pas être les mêmes...
D'autres raisons sont inavouables. Le médecin choisit l'activité
libérale pour éviter l'oppression hiérarchique. Mis
sur un piédestal par les demandeurs de bien-être et les vendeurs
de pilules, il n'est pas facile pour lui de rendre des comptes.
-Indépendance du médical
et de l'administratif au cabinet.
Si nécessité d'arrêt de travail, le médecin
fait un certificat descriptif du motif d'incapacité et de sa durée
et l'envoie lui-même à l'organisme payeur. Ce certificat
n'a pas valeur d'arrêt et le malade peut être convoqué
ou visité avant confirmation par la caisse.
-Développement de la télémédecine.
Le médecin aime de moins en moins être en bout de chaîne,
sommé de répondre à la question "Ce patient
a-t-il quelque chose de grave ou pas? N'a-t-on pas raté un diagnostic".
C'est particulièrement difficile à gérer en Nouvelle-Calédonie.
Les médecins sont compétents mais ne sont pas hyperspécialisés
comme ceux de certains hôpitaux français ou australiens.
L'avis de ceux-ci, par le biais d'une évacuation sanitaire, coûte
extrêmement cher, pour un résultat mitigé dans la
majorité des cas: le diagnostic est affiné, mais il n'y
a pas de meilleur traitement à administrer. Un staff faisant participer
ces spécialistes sur les dossiers difficiles, par le biais de la
télémédecine, permettrait d'éviter les évacuations
et les coûteux "blindages" d'examens complémentaires
que pratiquent les médecins moins habitués à ces
maladies.
-Campagnes d'information sur les maladies
courantes.
Les gens s'intéressent à leur santé? C'est louable.
C'est la rétention d'information, endémique dans le monde
médical, qui rend frappante la médiatisation des erreurs
médicales. Ne laissons pas seulement la place à l'exceptionnel
et à ceux qui recherchent un coup de pub. Vulgarisons des débats
d'experts. Certains craindront une explosion d'anxiété et
d'hypochondrie. En fait elle est déjà derrière nous,
née du bouche à oreille entre patients, de la presse écrite
et d'internet où l'information est volontiers farfelue. L'absence
de réponses est pire pour un anxieux. Rappelons que 90% des problèmes
de santé guérissent sans intervention, mais surtout donnons
des renseignements... sur l'anxiété.
-Augmentation des contrôles
sur médecins et patients.
Il existe malheureusement une petite délinquance de la santé,
largement répandue. Certes, 90% des patients qui abusent se sentent
dans leur bon droit ("je ne me suis jamais arrêté",
"le travail m'a usé", "j'ai bien droit à
quelques massages", "on travaille pour rien"). C'est le
cas également dans la délinquance générale,
où 90% des petits voleurs disent travailler à un nécessaire
"rééquilibrage de richesses". Il y a des limites
à faire respecter. Seul un flicage sans états d'âme
permet d'y arriver, indépendamment de toute action sociale qui
permettrait d'améliorer le fond du problème. Le médecin-conseil
doit demander plus facilement des comptes. Son rôle n'est pas que
punitif: il arrive fréquemment qu'il améliore la situation
de patients sans soins ou mal orientés.
-Promotion de l'auto-médication
raisonnable.
Est-ce utile et rentable que les patients défilent à la
chaîne chez le généraliste pour un état grippal,
pour s'entendre dire que c'est viral et repartir avec une ordonnance standart?
Pas besoin de 10 ans d'étude pour apprendre qu'en période
d'épidémie les infections nez-gorge-oreilles peuvent s'auto-traiter
sans risque les premiers jours, en l'absence de grosse difficulté
à avaler ou d'oreille bouchée. Les médicaments de
confort sont en vente libre. Pour beaucoup de petites maladies, la conduite
à tenir tient sur une fiche d'une page. Les enfants demandent plus
de prudence, surtout à l'âge où ils n'expriment pas
encore leurs symptômes. Mais beaucoup de mères seraient sans
doute capables de se débrouiller seules à partir du 2ème
enfant si on leur apprenait à se servir d'un otoscope (pour simplement
vérifier l'absence de tympan rouge). Ne pas consulter parce que
l'on s'auto-médique d'après une bonne information est moins
risqué que ne pas consulter par peur de poireauter 2 heures en
salle d'attente, ou parce qu'on n'a pas de mutuelle.
-Intéressement des professionnels
au budget de la santé.
La santé est suffisamment commerciale pour qu'il ne soit pas délirant
d'intéresser les principaux employés, les médecins
et para-médicaux, à sa bonne marche. Cela avait été
tenté en France par Alain Juppé: modulation du tarif de
la consultation en fin d'année en fonction du volume de dépenses
déjà atteint. Mauvaise manière: c'était punitif
au lieu d'être encourageant. On demandait au médecin de travailler
gratuitement en décembre parce que le budget était atteint
fin novembre!
1ère mesure incontournable pour que l'intéressement fonctionne:
arrêter d'entériner avec un haussement d'épaules le
déficit d'organismes techniquement en faillite que sont la CAFAT
et la sécu. Pourquoi changer de mauvaises manières puisque
malgré tout le portefeuille se remplit.
Le budget doit être compartimenté, par secteur, par spécialité,
en fonction de la gamme de pathologies rencontrées. L'idéal
serait presque d'arriver à un budget par praticien. Attention,
nous parlons du budget remboursé par les organismes sociaux. Libre
au médecin de proposer d'autres soins pour arrondir son revenu,
comme le boulanger propose ses pains spéciaux et plus seulement
la baguette. Dans un tel système, le médecin est vivement
concerné par les dépenses qu'il génère. Un
nouvel examen coûteux, un nouveau médicament plus cher arrive
sur le marché? Il vérifiera son bénéfice réel
avant de l'utiliser couramment. Risque-t-il de devenir pingre? Si cela
met en danger la qualité des soins, le patient peut changer de
médecin... si l'on n'a pas réduit drastiquement leur nombre.
Le médecin hospitalier fonctionne dans un tel budget depuis des
années. Ca marcherait mieux sans l'impression désagréable
que ses efforts d'économie servent à combler d'autres déficits
de l'hôpital plutôt qu'à améliorer sa rémunération.
-Revoir les objectifs et l'organisation
du budget de la santé.
La seule caractéristique globale du budget est le pourcentage du
PIB que l'on y consacre, avec une augmentation ou une réduction
selon la richesse du pays. Pour le reste, ce budget doit être morcelé
en fonction des objectifs de santé choisis. Actuellement, loin
de faire l'objet d'un large débat, ce sont les technocrates de
la santé qui décident de ce que doivent être ces objectifs
et la solidarité. Les gens ne sont pas consultés. Ils ne
peuvent agir que par des groupes de pression ciblés (association
de malades) qui n'améliorent pas la bonne marche du système:
chacun claironne pour sa propre paroisse.
Si l'on demande aux assurés-payeurs ce qu'ils veulent voir rembourser,
le risque est de s'intéresser davantage aux maladies fréquentes
qu'aux maladies rares et coûteuses. Les décideurs choisissent
donc d'autorité ce qui est pris en charge au titre de la solidarité.
C'est discutable. Les différents Téléthons organisés
pour les maladies rares ne semblent pas rencontrer l'indifférence
des donateurs...
Sans définir les objectifs de santé par référendum,
il serait souhaitable que les gens puissent exprimer leurs souhaits, en
particulier pour les dépenses de confort. Enorme avantage: après,
il est plus difficile de critiquer des décisions de la caisse,
qui semblent actuellement arbitraires, d'autant qu'aucune publicité
n'est faite sur les justifications de cette politique. On essaye de dérembourser
l'homéopathie, mais il faut être un lecteur assidu de Science
& Vie pour savoir que cette thérapie n'a pas de fondement scientifique
comme les médicaments classiques.
-Introduire de la concurrence dans
les organismes de gestion.
Pas besoin de "casser" la sécu ou la CAFAT, mais leur
monopole n'est pas justifié quand il s'agit d'utiliser au mieux
les cotisations des assurés. Les mutuelles et assurances privées
seraient capables de gérer à moindre frais la santé
de certaines catégories socio-professionnelles. Pas décisif
dans l'avancée des réformes, les politiques pourraient se
dégager de l'équation santé = sécu, avec la
gestion de cette dernière qui les implique de trop près.
-Vendre des services à l'étranger.
Quand on a un bon système de santé, on le rentabilise et
on l'exporte. Soigner des clients riches en devises étrangères
renfloue les caisses et réduit la saignée sur le budget
national. D'autres pays l'ont compris avant nous (Brésil, Thaïlande,
Australie...). Va-t-on financer des systèmes de santé étrangers
ou peut-on rentabiliser mieux le nôtre, au moins aussi performant?
Page précédente:
Les dérives
Réagissez
sur le blog VINCRE
|