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Colonisation 27/03/07

L'histoire de la colonisation est avant tout celle d'un dépeuplement. Les massacres n'en sont responsables que pour une fraction. Le tueur n°1 fut les maladies apportées par les européens: oreillons, grippe, choléra, variole, tuberculose, coqueluche, scarlatine, méningite, diphtérie...
Vient en second le "blackbirding", kidnapping de masse maintenu jusqu'en 1904, longtemps après l'abolition officielle de l'esclavage. Il a prélevé 60.000 îliens pour les plantations de coton du Queensland, 20.000 pour la canne à sucre des Fidji, et 20.000 pour le nickel de Nouvelle-Calédonie.
La population indigène des Nouvelles-Hébrides, près d'un million de personnes en 1800, descend à 45.000 sur un recensement britannique de 1935. Chiffres certainement faux, mais qui donnent une idée de l'énormité de la dépopulation.
Bonne explication à la méfiance naturelle du mélanésien. Explication aussi de leur vie montagnarde. Il y a peu de tribus sur le littoral. Elles ont appris à craindre les voiles sur l'horizon. Les catastrophes naturelles (tsunamis, ouragans) ont également poussé vers l'intérieur ces émigrants arrivés par la mer.

Avant même l'exploitation esclavagiste, l'océanie fut mise en coupe réglée par les marchands de bois de santal, pêcheurs de baleine, de tortues et d'holothuries. Des espèces endémiques ont définitivement disparu. De nombreuses autres ne se sont jamais reconstituées.

A la lecture de l'histoire du pays, certains jeunes mélanésiens ont envie de tout casser. Justifié?
Ils doivent trouver leur équilibre personnel. Leurs aînés, qui n'ont pas connu la colonisation mais l'ont entendu racontée par leurs pères, goûtent la tranquillité retrouvée. En Europe, une guerre beaucoup plus récente a fait bien davantage de morts et ceux qui l'ont vécue se sont réconciliés. Il ne viendrait pas à l'idée d'un jeune français et d'un jeune allemand de se rencontrer avec méfiance à cause de la seconde guerre mondiale!
Le mélanésien rétorque que les allemands ont quitté la France. Les blancs n'ont pas quitté Nouméa. Exact. Mais Nouméa n'est plus une terre tribale depuis plusieurs générations. Dans le nord et les îles, les mélanésiens ont retrouvé le contrôle de leurs terres, de leur vie. Pourquoi les jeunes quittent-ils massivement les tribus pour Nouméa, s'ils sont d'ardents défenseurs de la décolonisation?
Chacun peut se tourner vers le passé ou l'avenir. La médecine des blancs sauvera plus de vies que la colonisation n'en a prises...

La frustration des jeunes mélanésiens vient moins des malheurs de leur histoire, que de la difficulté à prendre en main leur destin. C'est toute l'histoire kanak. Mosaïque de clans et de tribus indépendantes. Communauté de race. Mais l'océan immense sépare aussi efficacement que l'espace profond. Le tissu social clanique serré contraste avec les liens laches de la communauté pacifique. Ce qui a permis le succès des aventuriers et des exploiteurs de tous bords. Toutes les puissances de la planète sont passées par l'unification. D'abord celle des pays. Celle des grandes entreprises. Celle des conglomérats de pays. Même les alter-mondialistes s'organisent et finalement se mondialisent! Où est l'unification des mélanésiens?

Où est l'unité quand si peu sortent du pays pour connaître le monde qui les dirige. Quand si peu sont écoutés quand ils reviennent. Si la France voulait faciliter la décolonisation, elle devrait commencer par fournir des profs d'anglais, et faire des charters d'échange entre Calédonie, Vanuatu, Papouasie... Que les mélanésiens découvrent qu'il existe un monde au-delà du clan. Que l'intérêt du clan n'est pas ultime.

Le mélanésien n'a rien d'un sauvage agressif. Comme dans toutes les races, l'individu de base est doux et sociable s'il n'a pas été trop violenté par la vie. Il ne sait pas gérer l'agressivité des autres. Pas besoin d'envahisseur européen pour s'en apercevoir. L'agressivité de ses propres congénères est tout autant un problème. En témoigne ses propres contes, où les personnages les plus violents deviennent chefs de la tribu, après avoir massacré beaucoup et sans rencontrer de résistance organisée. Ses seules défenses contre l'horreur ont toujours été le fatalisme et la croyance dans l'au-delà. Défense mise en oeuvre devant les méfaits de la colonisation. Comme les serfs européens traités en esclaves, il s'est réfugié plus près des traditions mais surtout des esprits, quand la vie terrestre devenait trop insupportable. S'il n'y avait pas eu les exactions des blancs, les mélanésiens auraient peut-être quitté bien plus tôt la coutume...

Le choc des cultures, c'est beaucoup de décideurs blancs comme de mélanésiens qui n'ont pas permis l'interpénétration (si, si, il y a des gens qui sont contre ;-))), pensant avoir trop à y perdre au plan personnel. Conservatisme.

Les peuples qui ont connu les violences de la colonisation et s'en sont "libérés" sont devenus les plus révolutionnaires de la planète. La brutalité du destin imposé les a rendus allergiques à tout contrôle. Anarchies et régimes réactionnaires ont remplacé la société traditionnelle. Il y a de dynamiques retombées, comme la culture caraïbe, qui séduit beaucoup les jeunes kanaks. Mais sur le fond, quel avenir proposent ces sociétés fondées sur la haine? N'y a-t-il pas mieux à trouver dans l'intégration?

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