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Immigrés de brousse 27/03/07

Les tensions ethniques sont toujours un sujet d'inquiétude pour les nouveaux arrivants. Pour les moins nouveaux aussi! Les évènements de 84 ont assis une réputation de poudrière à la Calédonie. Qu'en est-il?

Ces évènements sont vus de 2 façons:
1) Crise de fièvre révélatrice d'un profond désir de se débarrasser des blancs chez la majorité des kanaks, qui finira par se manifester à nouveau de façon plus violente.
2) Abcès crevé, révélant le déséquilibre entre la communauté mélanésienne et la blanche, qui a cicatrisé depuis.

Pas beaucoup d'arguments pour l'hypothèse 1. Tout va contre:
-La révolte kanak, loin d'être spontanée, a été fortement initiée par des "penseurs" de gauche, avec le discours simpliste de l'idéologie rousseau-iste: "Le peuple premier est opprimé par le colonisateur blanc. Virez l'exploiteur, mes frères!". Très constructif, comme le montre la situation de toutes les îles du Pacifique où cette démarche a abouti...
Le kanak est fier. Pas facile à énerver. Mais si on le chauffe bien, il devient explosif. Dans ces conditions, les évènements de 84 ont plutôt révélé la grande mansuétude de la majorité des kanaks.
-Car 84 n'a rien eu d'une guerre civile. Les activistes étaient une poignée. Beaucoup ont suivi. Nouméa n'a connu d'autre coup de feu que ceux d'un fiévreux dans sa tour. Le leader kanak qui en a émergé n'était pas un extrémiste mais un modéré, intelligent et pragmatique. Malheureusement la kanakie n'est pas encore une démocratie. L'individu ne se sent pas lié par le choix de la majorité. Un grand homme tué...
-Les kanaks sont aux affaires, éprouvant toute la difficulté de répartir les richesses équitablement, et de gérer un pays dans le torrent impétueux de la mondialisation.
-Leur société évolue, avec l'émergence d'une bourgeoisie kanak. Qui refuse pour l'instant de se reconnaître. Et qui cache ses comptes banquaires. Car la solidarité du dénuement fonctionne mieux que la solidarité de l'abondance! Mais le partage spontané existe toujours alors qu'il a fallu le rendre obligatoire chez les blancs.
-L'étiquette indépendantiste est une obligation politique pour un leader kanak: Dans une Calédonie qui s'enrichit et des électeurs qui rêvent de Nouméa, c'est le seul moyen de contrer les politiciens blancs. Mais l'étiquette ne rend pas idiot. Qui voyage et dirige sait que l'indépendance transforme une île en chaton perdu au milieu d'une route à grande circulation.

Les problèmes existent en Calédonie. Mais ce n'est plus une lutte ethnique. C'est une lutte de classes. Identique aux banlieues françaises. Les jeunes kanaks abandonnent la coutume, attirés par la vitrine occidentale. Ils arrivent massivement de la brousse à Nouméa. Rêvent de voitures, de lecteurs DVD, de portables. Très difficile pour un jeune kanak de trouver le revenu qui va avec: Il est sans formation, peu enclin à passer de l'oisiveté de son enfance à la semaine de 40 heures, et souffre d'une image très négative chez l'employeur blanc. L'administration est réservée à certains échelons de la société kanak. Reste la culture de la marijuana, peu fatigante et rentable, ou le vol.
Le vol n'est pas du tout dans la mentalité kanak. La multiplication des larcins indique à quel point une partie des jeunes s'est détachée de la coutume. Les anciens sont dépassés. Le gouvernement calédonien hésite. Il a fait campagne sur l'avenir commun. Comment serait perçue une politique répressive qui ciblera essentiellement les jeunes mélanésiens? Incertitude qui laisse se développer une impunité et une économie parallèle superposable aux cités de métropole.

Les évènements de 84 ont-ils été une bonne ou mauvaise opération? Avant, les kanaks n'avaient pas le choix d'intégrer la société blanche. Il fallait être dix fois plus intelligent qu'un blanc pour y arriver... Arriver à se rendre compte qu'on alimentait la bonne conscience des blancs.
Maintenant ils ont le choix. Mais c'est hyper-dur et frustrant. Toute son éducation le pousse à tolérer l'autre. Maintenant pour réussir, il faut lui marcher dessus! Et puis ses parents n'ont jamais exigé qu'il travaille tous les jours. Le surmoi obligatoire pour supporter la semaine de 40 heures n'est pas en place.

Le cas des jeunes ne reflète pas l'ensemble de la communauté kanak. Peu des plus anciens sont indépendantistes. Eux voient le chemin parcouru. Quelques authentiques indépendantistes rêvent d'un retour des jeunes à la coutume après le départ du blanc. Mais la majorité des kanaks est tolérante et sociable. Les hommes ont du mal à gérer le désir d'émancipation féminine. C'est aussi un effet déstabilisant de la vitrine occidentale. Il n'entraînerait pas en Calédonie un équivalent de radicalisation islamique. Mais le problème est reporté sur le blanc.

En fait tous les kanaks insatisfaits de leur situation sociale, mettent leurs problèmes sur le compte du blanc. Comme, en France, les mal insérés mettent tout sur le compte du gouvernement et des nantis. C'est à la fois justifié et excessif. Ce sont les jeunes désinsérés et désargentés qui réclament la "compensation de l'agression coloniale". Les vieux, qui l'ont vécue, s'en moquent. Peut-être se souviennent-ils mieux que la kanakie d'origine était une mosaïque de tribus perpétuellement en querelle.

Voyez le côté positif: En Calédonie on peut l'ouvrir! Ce n'était pas le cas il n'y a pas si longtemps, tant chez les kanaks que chez les blancs.

"Immigrés de brousse" est une formule d'Eric S. Il faudra sans doute attendre les enfants de ces immigrés pour que la soudure des communautés se fasse. Optimisme de rigueur: la France voit maintenant dans ses rues les enfants de ces immigrés trop différents pour être bien tolérés: La minette maghrébine et le jeune cadre maghrébin dynamique (désolé pour les clichés machos) effacent l'image du voyou de banlieue.
Commençons par mélanger nos enfants, qu'ils partagent les mêmes valeurs. En attendant, plutôt que de se réfugier dans un nationalisme désuet, ou d'inventer des points communs là où il n'y en a pas: Respect.