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Préférence locale pour l'emploi

La préférence locale pour l'emploi est normale à niveau de compétence égal. Elle contient pourtant de forts relents de racisme et de fascisme intellectuel. On en voit facilement les déviances: préférence locale pour les produits de consommation, pour les spectacles culturels, pour les mariages... la grande uniformisation plane.
Mais le pragmastisme l'emporte: pourquoi créer un chômeur sur le territoire s'il peut assurer le même travail qu'un étranger? La grande majorité des pays développés ont une politique identique.
Le critère de compétence égale est néanmoins essentiel. Sinon cela consiste à choisir, parmi 2 candidats, le moins doué. Personne ne peut imaginer que la sélection par la médiocrité soit bonne pour une communauté. Il est vrai que si l'on élimine tous les candidats extérieurs, on peut retrouver une certaine compétition interne. Mais des candidats "extérieurs" il y en a toujours, tout dépend du sens que l'on veut bien donner au mot "étranger". Quand une entreprise de Nouméa propose un emploi, le gars de la brousse n'est-il pas "extérieur" par rapport à ceux du quartier? Quand un magasin familial cherche des bras supplémentaires, les candidats ne semblent-ils pas tous étrangers par rapport au fils ou au neveu? Nombreux sont les exemples d'échecs voire de catastrophes, quand l'employeur ignore le principe de compétence.
La préférence locale a d'autres inconvénients, auxquels il faut être très attentif:
Les échanges inter-communautaires se réduisent. La confrontation d'idées se raréfie. La formation devient moins riche. Une société qui se referme est d'autant plus guettée par la stagnation qu'elle est petite. Ce peut être l'objectif des traditionnalistes. Mais c'est une décision grave, qui engage le sort des générations futures. Elle doit être soigneusement pesée par l'ensemble de la communauté et pas seulement par un groupe d'extrémistes.
La compétition entre membres d'une même communauté n'est réellement possible que si la population et le marché du travail atteignent une certaine taille. Si 1 jeune calédonien entreprend une formation qui débouche sur 1 poste local, son désir de faire de son mieux peut s'en trouver altéré.
Il existe par contre un argument important en faveur de la préférence locale, en particulier pour le recrutement de kanaks à des postes de responsabilité: c'est l'effet d'entraînement qu'ils ont sur les générations suivantes. Cela devient possible pour les jeunes kanaks de rejoindre la bourgeoisie dirigeante. Ceux-là l'ont fait.
Mais pour que les kanaks ne voient pas leurs accusations d'ostracisme (justifiées) leur revenir à la figure, il faudrait mettre aussi des femmes kanaks aux postes de responsabilité. La sous-exploitation des capacités des femmes est l'un des grands drames de l'emploi calédonien, dépassant celui de la préférence locale en ce sens que l'on préfère encore engager des extérieurs pour les postes de direction que former des femmes calédoniennes qui ont les capacités nécessaires.
La préférence locale peut être d'autant plus pénalisante pour la Calédonie que nombre de secteurs d'activités sont en situation de monopole, étant donné l'isolement et la petitesse du territoire. Contre cela et contre les effets déjà présents d'une préférence clientéliste, il faut installer une formation continue "carriériste". Les titulaires ne sont pas forcément les plus compétents, soit! Mais on peut améliorer la situation en les incitant à augmenter leurs connaissances. L'école laisse à beaucoup le souvenir d'une "tyrannie des grands", mais les adultes se découvrent souvent un véritable plaisir à réapprendre, surtout quand cela concerne des sujets familiers. Une bonne politique de formation évite l'assistance (pas de "tout gratuit"). Elle la présente comme un investissement personnel, rentabilisé par un gain d'échelon, de responsabilité, de salaire. La chance de la Calédonie est d'attirer facilement les sommités pour de courts séjours de formation. Développons!
L'argument majeur pour la préférence locale reste de ne pas faire du chômage. Ca panique tout le monde de croiser des jeunes inoccupés dans la rue en plein jour! On les imagine déjà en train de remplir l'emploi du temps avec casses et vols de voiture. Evitons la parano: cela agrandit le fossé et favorise réellement ces comportements: "Puisqu'on me croit déjà coupable...". Offrir des boulots aux jeunes, oui. Mais la préférence locale n'est pas une politique de l'emploi. La privilégier sans donner un grand coup de collier sur la formation et les débouchés, c'est accrocher un boulet à l'économie.
La société doit s'efforcer d'offrir un avenir à chacun. Mais aucun budget pour l'emploi ne peut s'offrir des débouchés surpayés. Contre l'inactivité, il peut subventionner des postes modestes. Mais pour que ceux-ci restent attractifs, le budget d'assistance aux plus démunis ne doit pas offrir les mêmes avantages. Le but de l'assistance devrait être l'égalité des chances, pas des niveaux de vie. Accès à l'école et aux formations supérieures, aux carrières sportives par la fourniture de matériel, conditions de logement d'alimentation d'hygiène et de santé décentes: tout ceci devrait être non pas complètement gratuit mais accessible. Surtout, les prestations doivent être en nature et non financières. C'est très démagogique d'augmenter les allocations familiales, mais si elles servent à payer les bières du paternel... une alloc pour que les gosses se fassent astiquer plus souvent?

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