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La ciguatera (populairement la "gratte")

Intoxication par ingestion de poissons tropicaux eux-mêmes contaminés par une ciguatoxine, fabriquée par Gambierdiscus toxicus, une algue unicellulaire qui colonise la surface du corail mort. L'algue est broutée par les poissons herbivores. La toxine s'accumule dans la chaîne alimentaire chez les poissons carnivores, particulièrement les plus gros et les plus âgés.
Tous les grands poissons des récifs coralliens sont potentiellement dangereux, particulièrement ceux en bout de chaîne: barracudas, loches de moyenne profondeur, gueules rouges, anglais, murène, requins... Beaucoup plus rarement en cause: poissons du large ou de profondeur, oursins et mollusques, crustacés. Potentiellement: oiseaux de mer, animaux de terre nourris aux tourteaux de poisson.

En fait il n'y a pas de poisson dangereux ou non, mais des poissons plus ou moins chargés en toxine, et consommés par une personne déjà contaminée ou non. L'homme comme le poisson élimine très lentement la toxine. Si les quantités ingérées, plus celles qui n'ont pas encore été éliminées, dépassent un certain seuil, les symptômes de la ciguatera apparaissent. Il est possible aussi que la toxine favorise l'apparition d'une allergie à la chair de poisson, les signes pouvant réapparaître même en consommant des poissons indemnes de gratte.

Répartition géographique: toute la zone intertropicale où vivent les coraux, avec une prédominance dans le Pacifique sud.

Mode d'action des ciguatoxines (il en existe plusieurs variétés): ouverture des canaux sodium rapides des membranes cellulaires des neurones et cellules musculaires de mammifères -> dépolarisation de la fibre nerveuse. Si l'intoxication est grave, la mort survient par blocage de la conduction nerveuse phrénique, entraînant un arrêt respiratoire.

Symptômes:
2 à 30 heures après l'ingestion du poisson toxique.
Début: engourdissement et picotements des lèvres, de la langue et de la gorge, malaise général, nausées.
Puis:
-crampes abdominales, vomissements, diarrhée profuse
-prurit, disesthésies caractéristiques (inversion des sensations chaud-froid), brûlures, décharges électriques, engourdissement des extrémités
-pouls lent et irrégulier, TA basse
-faiblesse générale, arthralgies myalgies, céphalées, frissons, sueurs profuses

Le signe le plus caractéristique de la ciguatera par rapport à l'ingestion de poisson mal conservé est l'inversion des sensations chaud-froid.

Le pronostic est en général bénin, mais la mort peut survenir par consommation de prédateurs en bout de chaîne comme la murène. Les symptômes neurologiques peuvent persister plusieurs semaines voire plusieurs mois, et réactivés facilement par la consommation de poisson même faiblement contaminé.

Femme enceinte: les ciguatoxines passent la barrière placentaire, mais leurs effets peuvent différer selon le stade de la grossesse (moins grave au 2è trimestre qu'au 3ème, mais peu de cas documentés).

Après une intoxication par la ciguatera il est recommandé:
-de ne plus consommer de produits de la mer pendant plusieurs semaines
-d'éviter boissons alcoolisées et consommation de graines ou de noix, qui pourraient accentuer les symptômes

Traitement:
Médecine occidentale:
-Traitement symptomatique: lavage d'estomac et injection d'apomorphine dans les 1ères heures. Antispasmodiques, anti-émétiques (signes digestifs), vitamines B, colchicine, aspirine (signes neuros), anti-histaminiques (prurit), analeptiques cardio-vasculaires (choc, collapsus)
-Traitement étiologique: atropiniques (lidocaïne et tocaïnide, stabilisateurs de membrane par antagonisme compétitif de l'ion sodium), alpha-bloquants (phentolamine), gluconate de calcium injectable
Médecine traditionnelle:
-La tisane anti-gratte est la meilleure façon de soigner cette maladie: Le faux-tabac ou Argusia argentea, lihnid en nengone, hânggit en touho, est un arbre de bord de mer répandu dans toute la région indo-pacifique, la Polynésie et la côte est de l'Afrique.
Prenez une poignée des feuilles jaunies au pied d’un faux-tabac (arbre à gratte), cassez-les en petits morceaux, faites-les bouillir dans un litre d’eau. Laissez évaporer une demi-heure de manière à garder un demi-litre de tisane, et buvez. Ce breuvage au goût un peu amer ne déclenche pas d'effets secondaires et élimine vraiment la toxine, contrairement aux traitements dits symptomatiques.

La substance efficace dans le faux-tabac vient d'être découverte en Calédonie (11/09): C'est l'acide rosmarinique (présent aussi dans le romarin). Une commercialisation à faible coût, hors des circuits pharmaceutiques traditionnels, est à l'étude